On n’arrête pas un peuple qui danse

lepoque danse1 grande
Dans la rue, au musée, devant un public ou les forces de l’ordre, elles dansent pour l’écologie et la justice sociale. Le collectif Minuit 12, lancé par trois diplômées de Sciences Po, raconte la grammaire d’une lutte politique qui passe par les corps.

Au départ, elles voulaient juste monter un petit spectacle. Elles ont fini par mener un cortège de plusieurs centaines de personnes. Pauline Lida, Jade Verda, et Justine Sène, 75 ans à elles trois, dansent pour l’écologie. Elles ont fondé le Collectif Minuit 12 en 2021. Un mouvement qui met en chair les urgences de l’époque. En dansant, elles dénoncent quand les mots ne passent plus et les chiffres non plus. Leurs performances artistiques puissantes, mais pas guerrières, passent de la joie militante à la frayeur paralysante, de la violence au corps pacifique. Elles prennent pour terrain de jeu la rue, mais aussi le musée d’Orsay, le centre Pompidou, les théâtres de la Ville et le Châtelet à Paris. Elles dansent partout où les corps semblent endormis. Radiographie d’une nouvelle façon de communiquer.

« Ce mouvement de balancier entre nous et le public nous permet de rappeler que la base de l’écologie, c’est le sensible, le passage par le corps »

Jade Verda
lepoque danse2 grande
Crédit Photo : Maxime Ellies

Têtes

Pauline Lida, Jade Verda et Justine Sène sont toutes trois diplômées de Sciences Po, mais c’est dans le très select Art’Core, compagnie de danse de l’école, qu’elles se sont découvertes. Car, en plus d’un master de recherche ou de philo en cours, toutes trois ont le sens du rythme à des niveaux quasi professionnels. Pauline Lida a une formation de danse classique ; Jade Verda, ex-gymnaste, de danse verticale ; et Justine Sène maîtrise le waaking, danse de rue époque disco.

Langue

« Il n’y a pas besoin de parler la même langue pour comprendre la danse. Elle se partage, et son côté viral fait tomber les barrières. En regardant quelqu’un danser, le cerveau se met à danser, car l’émotion provoque une motion. Ce mouvement de balancier entre nous et le public nous permet de rappeler que la base de l’écologie, c’est le sensible, le passage par le corps. » Jade Verda

Muscle

« Comment réprimer des corps tout mous ? Comment s’accrochent-ils les uns aux autres pour bloquer un accès, quelle forme adoptent-ils lorsqu’ils sont délogés ? Nous essayons de travailler cette porosité entre performance artistique et actions militantes. Les nouvelles formes de désobéissance civile sont souvent très créatives. Comme ces façons de se faire lourd pour résister sans lutter, qui nous ont inspirées pour les portés. » Pauline Lida

Main

« Il y a plein de façons d’affirmer sa présence et de montrer son désaccord, avec des gestes tout simples, humains et hyper beaux. Difficile pour les forces de l’ordre d’utiliser la violence devant une chaîne humaine qui se tient la main. La répression n’est pas la même. La danse suspend le temps. Une fois, un policier nous a remerciées à la fin. » Justine Sène

lepoque danse3 grande 1
Crédit Photo : Maxime Ellies

Naissance

« Ça peut commencer par un fait d’actualité. A partir de là commence une recherche qui va nous faire danser autrement. Pour Ecume – un conte environnemental qui explore notre rapport à l’eau –, des scientifiques nous ont décrit comment les plantes des sols arides trouvent des mouvements qui leur permettent de pousser. Ces images ont nourri nos mouvements, la narration et nos chorégraphies. » Jade Verda

Morphologies

« Personne dans le collectif n’a le même style, cela oblige à trouver des points de rencontre. C’est important aussi que toutes les morphologies soient représentées pour embarquer un public varié, différentes communautés. Nous tenons aussi à aborder ces thématiques dans les théâtres, les musées, et aussi dans la rue, la forêt, des environnements décalés qui n’ont rien à voir. Pour montrer que la scène peut être partout. » Pauline Lida

Nudité

« Nous cherchons à avoir la plus petite empreinte possible. Personne n’achète de costume. On chine, on se fournit dans les recycleries. On ressort les trois mêmes tissus, très légers, très faciles, très adaptables. Un marron, un violet et un gris clair qui prend très bien la lumière. » Jade Verda

Beauté

« Nos spectacles sont millimétrés. Nous contrôlons tous les tableaux, les images, les vidéos. Il faut que le résultat nous plaise et soit professionnel. Parce que si un mouvement est beau, si le cortège est stylé en lui-même, il donne envie d’en être. L’esthétique est très importante dans la lutte, elle invite à s’engager.» Justine Lida

Instagram : @collectifminuit12

Tous les REPORTAGES

Immergez-vous dans l'univers de BEAU Magazine avec notre newsletter. Une compilation d'histoires visuelles, un concentré de créativité directement dans votre boîte de réception, une fois par semaine.