Bulles d’art

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La Maison Ruinard a inauguré en octobre la nouvelle version de son domaine de crayères. Un jardin d’artistes, véritable musée à ciel ouvert aussi magique que poétique. Reportage.

Sur un escabeau, salopette blanche, casquette grise, l’artiste Cornelia Konrads met la dernière touche à son arche inpirée du land art : une multitude de ceps de vigne entre-mêlés forment une porte ouverte sur le paysage.

Des chênes-lièges ont été montés du Sud pour une expérience d’acclimatation sous le ciel cham-penois. Non loin, Lélia Demoisy relie deux érables avec son infini Entre nous… « On amorce peut-être dans l’ADN du parc la palette végétale de demain », confie l’artiste-paysagiste Christophe Gautrand. Partisan convaincu du dialogue entre le végétal et d’autres disciplines, il a imaginé les contours d’un jardin d’artistes, avec des œuvres d’art pensées in situ en contact avec le vivant. Partout, des jardiniers s’affairent. Dans quelques semaines, après trois ans de travaux, la Maison Ruinart inaugurera officiellement son adresse emblématique.

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De gauche à droite : Lélia Demoisy – Son œuvre Between us (Entre nous), 2024.

Le projet

Le site historique, avec ses crayères (caves-cathédrales de craie en sous-sol classées au patrimoine de l’Unesco depuis 2015), se visitera comme avant, mais il offre maintenant une expérience œnologique, gastronomique et artistique globale. Même sans réservation. Au 4, rue des Crayères, à Reims (Marne), un labyrinthe de craie à ciel ouvert accueille désormais le public. Un corridor de blancheur qui le guide vers une expérience unique.

Dans le parcours, le futur est « révélé » avant le passé. Face au cœur historique de la Maison, le pavillon Nicolas-Ruinart, aux lignes pures imaginées par l’architecte japonais Sou Fujimoto, apporte une patte résolument contemporaine à un ensemble qui n’avait à rougir ni de sa méthode (champenoise), ni de son ancrage dans le terroir. Pourquoi, alors, toute cette effervescence ?

En 2029, la « plus ancienne des maisons de champagne » fêtera ses 300 ans, et son président, Frédéric Dufour, en maître des horloges, a choisi de marquer ce jalon en beauté. En interne, ils appellent cela leurs « comptes à rebours ».

Depuis 2020, à quelque 30 m de profondeur dans les entrailles crayeuses du site où dorment les flacons, une machine baptisée Retour aux sources, imaginée par le duo créatif (Maya) Mouawad et (Cyril) Laurier, se fait la greffière au quotidien de l’impact des données environnementales sur une « racine ». Un rappel de l’engagement écoresponsable de la maison depuis une vingtaine d’années. La Champagne est aux premières loges pour savoir combien le changement climatique affecte le cycle de la vigne et la production. Les artistes présents ici l’expriment chacun à leur manière et passent le message. Ainsi, par un drapeau à l’entrée du nouveau pavillon, l’artiste britannique Marcus Coates met chaque jour le visiteur en symbiose avec le cœur battant de la faune et de la flore. L’étendard affiche une simple phrase tirée de son almanach Nature Calendar, résultat de sa résidence dans les vignobles de Taissy (51).

A l’extérieur, dans le parc boisé en partie classé, un musée à ciel ouvert en accès libre et gratuit attend le visiteur pour « une déambulation magique et poétique ». Une vingtaine d’artistes ont planché. Eva Jospin (artiste Carte Blanche 2023), avec son Capriccio, Côme Di Meglio et son mycélium. Une cinquantaine d’œuvres sont présentes sur le site, aux côtés du cep de vigne monumental du Brésilien Henrique Oliveira, dans la cour carrée.

« Changer le monde pour qu’il continue d’exister », cette pensée de la philosophe Françoise d’Eaubonne (1920-2005), pionnière de la pensée écoféministe, habite Andrea Bowers. L’activiste californienne propose une ode lumineuse à la feuille de chardonnay : un chandelier de néons, à deux pas de la terrasse où le visiteur peut se restaurer. « La seule œuvre que l’on a fait voyager en avion », admet Caroline Carton, responsable des projets culturels qui souligne les liens étroits entre la maison de champagne et les artistes. Une conversation entamée en 1896 par l’un des descendants Ruinart avec Alphonse Mucha (1860-1939), le célèbre affichiste et illustrateur tchèque, figure de l’Art nouveau. Une collab avant l’heure. 

La Maison Ruinart a ouvert ses portes en octobre, au 4, rue des Crayères, à Reims (51).

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Sculpture Dom Ruinart, 2016, acier, Inox poli, de Jaume Plensa.

Photo d’ouverture : Capriccio, 2024, plâtre et résine, Eva Jospin.

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