« La sensualité m’évoque Confessions d’un masque de Yukio Mishima, une écriture entre suggestion et crudité. Ce monument de la littérature japonaise est aussi l’un des premiers ouvrages à aborder l’homosexualité dans la société des années 1930. Il a provoqué en moi de profonds questionnements. C’est peut-être ça, la littérature, une notion intangible et très personnelle de la sensualité. Elle reste ma principale source d’inspiration. Ma marque de fabrique, c’est cette découpe au niveau du col ou de la hanche qui laisse apparaître un peu de peau et reflète la sensualité.
«Une clavicule, une hanche ou une épaule,
ces parties du corps qui ne sont pas censées
être érogènes et […]qui le deviennent »
La sensualité évoque la douceur là où la sexualité s’impose frontalement et elle convoque l’imaginaire, un peu comme l’érotisme. En mode, elle naît d’un jeu de transparences qui dévoile sans montrer. Une clavicule, une hanche ou une épaule, des parties du corps qui ne sont pas censées être érogènes, et qui, du simple fait d’être mises en valeur, le deviennent. Ce n’est pas comme montrer un téton, des poils pubiens ou la raie des fesses. D’une certaine façon, cette douceur semble plus attentive à l’autre et à son ressenti.
Mais la sensualité peut naître aussi d’un décalage de matières et de construction. Ajouter une échancrure sur un T-shirt, un débardeur, un sweat-shirt, ou même des pièces plus strictes, comme une veste ou un pantalon de costume. Ou bien jouer le volume aux épaules, marquer une taille. Je n’aime pas porter de vestes, je les trouve peu pratiques, trop habillées. Les miennes sont en jersey, en maille… fluides et confortables. Un tailoring souple, déconstruit et sensuel.
La fourrure comme le cuir restent des matières sensuelles par excellence. Pour l’hiver prochain, nous travaillons sur une fourrure, sans faire appel à de la fourrure animale ou dérivée du pétrole. En utilisant un jacquard de fils coupés et des peaux issues de l’industrie alimentaire. Nous nous intéressons aussi au mycélium.
Au-delà du textile, la sensualité réside dans le rapport que nous entretenons avec notre corps. J’aime les corps. A mes défilés, toutes les morphologies sont représentées, et mes collections taillées vont du XS au XL. J’apprécie aussi de les mettre en lien. Par exemple, ma première collection femme détourne des éléments forts de l’homme. Elle se compose de sous-vêtements, des tailleurs, des chemises et d’un peu de loungewear. C’est très technique, car nous n’avons pas la même physionomie. Il m’a fallu adapter les proportions pour ne pas rajouter de pinces à la poitrine ou de couture à la taille. Mon vestiaire était jusqu’alors masculin, car c’est ce que je consomme. En créant pour la femme, je suis entré dans une projection. Mais j’ai fait attention à ne pas tomber dans l’écueil du fantasme, à commencer par l’usage des talons, chez moi tout le monde porte les mêmes chaussures. La sensualité réside dans la façon dont on porte la pièce, plutôt que dans la pièce elle-même. La femme est finalement une continuité de ma célébration des corps, entamée avec l’homme. »
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