Avec lui, les meubles prennent racine. Au sens propre. A 30 ans passés, après un début dans le théâtre et quelques années consacrées à domestiquer un robot, Julien Gorrias reprend ses études à l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (ENSCI-Les Ateliers) et y développe son manifeste de la conception positive. Il s’intéresse à l’usure des objets, pour la valoriser. « L’industriel, et surtout le designer, a une part de responsabilité dans le monde que l’on va laisser. Si vous mettez au monde un produit, vous devez vous soucier de sa fin de vie. » Vitrine de sa démarche, Carbone 14 Studio, son agence de design fondée fin 2020, prouve son jusqu’au-boutisme à travers des objets manifestes.
Premier succès, sa table « Torri » vient d’entrer au Mobilier national. Avec sa « Chaise qui cache la forêt », il repousse les curseurs de la conception écologique. Derrière ce nom, un seul prototype, qui attend d’être édité, d’une assise avec « ce qu’il faut de bois pour faire une chaise, ni plus ni moins ». Le bois, travaillé à la vapeur, est collé à la colle de poisson « sans polymères, mais chargée en collagène ! ». Et pour lui donner cet aspect sombre, il recourt à l’ébonisation : l’oxyde de fer fait remonter les tannins et confère à l’objet une belle couleur noire. « La contrainte écologique, c’est le designer qui doit la porter, pas l’usager. »
Alors il a imaginé la disparition de sa chaise en y intégrant dans les pieds des graines d’arbres et de fleurs. « Si jamais on la laisse dans la forêt, elle pourra lui rendre le bois qu’on lui a pris pour qu’elle existe. » Idée de génie ou évidence ? La démonstration du cercle vertueux.
Site web : carbone14.studio
