Gri-gri d’amour

Faut-il des porte-bonheurs pour que les collections d’un créateur soient placées sous les meilleurs auspices ? Chez Balenciaga, on y croit ou on y a cru.

Faut-il des porte-bonheurs pour que les collections d’un créateur soient placées sous les meilleurs auspices ? Chez Balenciaga, on y croit ou on y a cru.

Ceci n’est pas une grenouille. Ceci est un gri-gri, un porte-bonheur d’atelier. Un rituel qui a commencé comme une blague. On est chez Balenciaga, au studio, à l’époque où Nicolas Ghesquière est encore directeur artistique. « Une des patronnières, prénommée Jacqueline, possédait Mitterrand, une grenouille en peluche baptisée ainsi à cause de l’émission Le Bébête Show », raconte Alexandre Samson, responsable des départements haute couture et création contemporaine au Palais Galliera. Dans ce creux temporel, entre le moment où la collection est terminée et le défilé n’a pas encore démarré, on tue le temps, et Mitterrand se retrouve habillée avec les chutes de tissus de la collection qui s’apprête à être présentée. L’histoire aurait pu s’arrêter là.
« A la collection suivante, le studio a encore rhabillé Mitterrand, et de façon plus aboutie cette fois-ci, avec plus de détails. » Au point d’être la copie conforme d’une des silhouettes de cette collection. Mitterrand devient totem, et la création de son vestiaire, un rite. Quand Jacqueline quitte le studio ,elle transmet la grenouille à son successeur, qui perpétue la tradition. Jusqu’à ce jour où Mitterrand est habillé avant même la silhouette du défilé. « C’est la première fois que cela est arrivé, poursuit Alexandre Samson, et c’est la première fois que la vraie tenue correspondante qui devait défiler a été compliquée à terminer. Au point que, deux heures avant le show, elle n’était toujours pas achevée et a failli ne pas défiler. » Voilà comment une tradition née dans les studios de la maison Balenciaga est devenue une superstition prise vraiment au sérieux.
Dior (une étoile, le muguet…), Chanel (le chiffre  5), Saint Laurent (le lion et l’épi de blé) aussi chérissent leurs porte-bonheur. « Dans les ateliers, il y a toujours eu ces superstitions, corolaires du religieux, analyse Alexandre Samson. Lorsque le religieux a diminué, les superstitions ont disparu avec. » Elles semblent ressurgir aujourd’hui, portées par des créateurs comme Maria Grazia Chiuri, Rabih Kayrouz ou Alphonse Maitre pierre. Comme un besoin de magie.

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De gauche à droite : Balenciaga, défilé couture, look 17, automne-hiver 2021/22. Design Anaïs Lalu. – Balenciaga, défilé couture, look 87, printemps-été 2020. Design Anaïs Lalu.

Photo d’ouverture :
Balenciaga, défilé couture, look 7, automne-hiver 2022/23. Design Anaïs Lalu.

Beau Magazine N°8

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