Épure merveille

Elle a rêvé d’une collection de « sans ». « Sans saison », « sans taille », « sans âge », « sans occasion spéciale ». Les contours de sa marque de mode posés, la créatrice Noriko.I lui a trouvé un nom empreint de nostalgie : Cogthebigsmoke. Cog comme le nounours de son enfance qui l’accompagne partout, et The Big Smoke, le surnom ancien de la capitale anglaise. Car cette Japonaise, ex-designer pour le très scottish créateur de manteaux Mackintosh a toujours voulu s’installer dans la capitale britannique. Pour sa scène artistique, son architecture et ses mouvements créatifs. Elle franchit le pas en 2019, avec trois valises et Cog sous le bras, avec « l’envie d’y rester pour toujours », se souvient-elle. Pour marquer le coup et sa détermination, elle photographie Cog regardant par la fenêtre. Le cliché se fait remarquer et lance sa marque. Ses pièces proposent une aisance et un tombé impeccable. La styliste, qui compte maintenant près de 230 points de vente au Japon, aux Etats-Unis et au Canada et réalise un chiffre d’affaires de 400 millions de yens (environ 2,5 millions d’euros), explique : « J’œuvre comme un jardinier taillant son bonsaï. » Dans son bureau londonien, où ses quatre collaborateurs ont une liberté totale pour gérer leur temps, elle coud et ajuste ses toiles de patronage directement sur ses modèles, qu’elle fait ensuite réaliser dans des ateliers japonais. Dans une seule matière pour réduire les déchets. « La femme Cogthebigsmoke a une conscience d’elle-même et de son environnement », croit savoir la créatrice. Alors elle a choisi cet élégant jersey tricoté avec de la laine recyclée ou du polyester obtenu à partir de bouteilles en plastique. Des matières capables de tout. De prendre la forme de leggings ultra-doux et légèrement brillants, d’une marinière asymétrique aux volumes généreux, d’un T-shirt oversize, d’un large manteau souple mais qui se tient, d’une incontournable robe noire…

Noriko.I décline sa première ligne dans des tons sages de blanc, noir, gris et camel. Elle aurait pu logiquement l’appeler automne-hiver 2019. Elle a préféré ne pas la dater et sort la Collection 1, tisse le chiffre sur une étiquette noire cousue au dos de chaque pièce. « C’est son acte de naissance », défend la designer. Des séries conçues comme les volumes d’une même œuvre à collectionner. Neuf autres collections ont vu le jour depuis. Toutes peuvent être mélangées, associées, dépareillées. Chaque pièce s’ac­corde aux autres. Un sweat gris de la 3 avec le trench azur de la 10. Le pantalon jaune de la 9 avec les babouches de la 7.

Chez Cogthebigsmoke, le vestiaire n’a pas de saison, pas de taille, il peut s’échanger entre les générations et les morphologies, se porter de jour comme en soirée. « Les tailles uniques exi­gent du vêtement qu’il s’adapte aux corps et non l’inverse », plaide la designer. Cette polyvalence, qui lui permet aussi de réduire les coûts de production, a tout de suite séduit une communauté très forte dans les pays scandinaves, en Europe et en Asie. Noriko.I dessine une soixantaine de pièces pour chaque collection et les conçoit pour ne jamais lasser et tenir dans le temps parce qu’elle n’a « jamais compris la nécessité de modifier des classiques ».