Corps à-corps

Les rôles tièdes, Louise Bourgoin ne connaît pas. Au-delà de ses choix engagés pour un meilleur vivre-ensemble, l’actrice formée aux Beaux-Arts de Rennes trace sur le papier des rondeurs de corps féminins pourvus de désirs. Rencontre avec une artiste organique et pluridisciplinaire sachant oser.
Le 17/06/2024
Interview par Sophie Rosemont
Photographie par Arno Lam
Les rôles tièdes, Louise Bourgoin ne connaît pas. Au-delà de ses choix engagés pour un meilleur vivre-ensemble, l’actrice formée aux Beaux-Arts de Rennes trace sur le papier des rondeurs de corps féminins pourvus de désirs. Rencontre avec une artiste organique et pluridisciplinaire sachant oser.

BEAU MAGAZINE : En quoi jouer et dessiner sont des gestes artistiques qui se rejoignent ?

Louise bourgoin : Pour dépeindre au mieux, il faut avoir beaucoup observé, sans a priori, sans idées préconçues. En dessin comme au jeu.

BM : Quel parallèle faites-vous avec votre métier d’actrice et celui de dessinatrice ?

LB : Au cinéma, la première fois que je joue mon texte devant l’équipe pour une nouvelle scène est très importante. J’y prends beaucoup de plaisir. Je suis donc très frustrée quand les metteurs en scène ne filment pas la première prise des acteurs. C’est quelque chose que je ne comprends pas. Car cette première fois où tous les acteurs jouent une scène ensemble est très belle. Il y a une fébrilité, des maladresses magiques que l’on ne peut que feindre par la suite. De la même façon, j’esquisse mes dessins directement sur la feuille. A l’encre noire. En une ligne. Sans croquis préparatoire. Ce sont des dessins d’imagination. Personne ne pose pour moi. Cela donne lieu à des invraisemblances anatomiques qui m’intéressent.

« J’esquisse mes dessins directement sur la feuille. A l’encre noire. En une ligne »

Louise Bourgoin

BM : Comment sont nés les dessins très sensuels exposés à la galerie Laura Pecheur (1) en 2022 ?

LB : Je lui ai d’abord acheté des dessins d’une artiste peintre, poétesse et écrivaine, qui s’appelle Marguerite Burnat-Provins, dont il faudrait d’ailleurs adapter la vie au cinéma. Laura Pecheur et moi sommes devenues amies. Elle m’a proposé d’exposer mes dessins. Elle les avait vus en photo dans mon téléphone. Mais je ne me sentais pas légitime. Accepter d’oser le faire a été pour moi une grande étape. Et puis, j’ai toujours donné mes dessins : à mes amis ou à ceux et celles qui les désiraient. Je n’avais donc aucun fonds à exposer. Sauf mes dessins personnels et intimes : des dessins érotiques. Ce fut presque une double exposition…

BM : Le désir féminin a longtemps été ignoré dans l’histoire de l’art, le corps de la femme étant souvent réduit au rang d’objet. Peut-on considérer vos dessins comme une manière de rendre le corps féminin à son statut de sujet ?

LB : C’est justement l’argument avancé par ma galeriste lors de mes nombreuses hésitations à exposer. J’ai finalement laissé mes doutes de côté sur l’intérêt plastique de mon travail au profit de celui de l’érotisme du point de vue féminin, car il est encore trop rare.

lepoque

BM : D’où le choix d’illustrer la fameuse anthologie de poésie érotique, de Marcel Béalu (2) ? 

LB : Cette exposition à la galerie Laura Pecheur de décembre 2022 m’a permis d’être remarquée par une agente de dessin, Ariane Geffard. Elle me représente désormais et m’a très vite proposé une collection de papier à lettres et notebook aux éditions Le Papier fait de la résistance. Mais aussi 50 planches illustrées pour cette très belle réédition d’anthologie de poèmes érotiques aux éditions Seghers, allant du Moyen Age à nos jours. J’ai découvert énormément de poètes, notamment Grisélidis Réal, Anna de Noailles, Joyce Mansour, Catherine Pozzi… qui figurent parmi mes préférées. 

BM : Malgré les angoisses du monde, où trouver la beauté aujourd’hui ?

LB : Face à un chef-d’œuvre du cinéma, de la peinture ou de la musique. Quand tout est à sa place, quand il n’y a rien à ajouter ni à retirer. En cela, je considère la beauté comme une forme d’apaisement de l’esprit. 

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