Une Rose anglaise

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Qui se cache derrière Rose Bakery, l’enseigne qui a lancé la mode des cantines healthy de Paris, Tokyo et New York ? Une mamie anglaise qui rêvait d’épouser le prince Charles ? Une militante du bien-manger ? Une fine connaisseuse des tendances qui a su reconnaître le bon filon ? Un peu de tout cela à la fois sans doute. Rencontre, à Londres, avec Rose Carrarini.

Révélation shocking pour ses fans, qui associent le prénom à des plaisirs sains et gourmands : elle s’appelle en fait Rosalind ; Rose est le prénom de sa grand-mère, qu’elle a fait sien. Elle nous accueille avec chaleur, petite dame anglaise souriante dans son jogging cosy de velours gris, le visage sans fard. Rose Bakery est sa marque de fabrique, exportée de Paris à New York, à Los Angeles, à Tokyo, et ici, à Londres.

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La terrasse donne sur un jardin en perspective

Un miroir de sorcière au mur, des fruits frais dans la corbeille, des portraits de famille sur la console en bois, rien d’ostentatoire dans cette maison qui reflète la simplicité de Rose Carrarini, qui s’est imposée en plus de trois décennies comme notre grannie gâteau, elle qui n’aime pas les choses trop sucrées.

Son intérieur, au gré des allers-retours transmanche de la propriétaire, cherche encore son âme, mais sa cuisine, elle, n’a jamais perdu la sienne. 100 % maison, « 99 % bio ». Une cuisine éthique avec de bons produits de saison, une partition anglo-méditerrano-japonaise, symphonie pour brocolis, asperges et quinoa.

Quiches, pizzettes, carrot cakes et autres granolas… constituent la farandole des joies des tea-rooms et restaurants Rose Bakery. La maison mère se trouve depuis 2002 au 46 bis, rue des Martyrs, Paris 9e, avec son deli à emporter et son épicerie, tout près, rue de Navarin. Hors du QG bobo, la croissance fut des plus organiques : les visiteurs du Musée de la Vie romantique, de la Maison de Balzac ou du Jeu de Paume, dans le jardin des Tuileries, les clients du Bon Marché Rive Gauche et, depuis peu, les lecteurs de la Bibliothèque nationale de France Richelieu connaissent bien ces lieux gourmands où les produits sont frais et la clientèle, élégante.

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A gauche, une architecture typiquement anglaise – A droite, Rose Carrarini dans sa cuisine aux accents british

Ici, peu de restes, pas de gâchis. Tous les légumes achetés seront cuisinés le matin et vendus dans la journée. L’engagement pour l’environnement de Rose Carrarini vient de loin, quand cette « ex-hippie » – c’est son expression – traquait dans les rares magasins bio de Londres les « carottes très très moches » pour nourrir ses enfants. Un bilan fifty fifty : sa fille est végane, mais son fils, lui, reste « un “viande et patates boy” à l’anglaise ».

Une culture très britanniqueMalgré un mari français, des décennies parisiennes, de nombreux voyages, Rose Carrarini affiche une culture très british : pas question de rater le couronnement, qu’elle tenait à voir à la télé dans son pays de naissance. « C’était magnifique ! Enfant, je rêvais d’épouser le prince Charles, il n’a que quelques années de plus que moi. » Autour d’un café, dans sa cuisine-salle à manger avec vue sur jardin, elle confie avec son petit accent à la Birkin avoir « envie de passer plus de temps en Angleterre maintenant ».

Rose profite d’un rayon de soleil pour nous montrer ses rosiers, des David Austin, et son érable du Japon. Elle s’intéresse à ses parterres, mais parle d’un « work in progress ». Elle a bien essayé de faire pousser des groseilles à maquereau (gooseberries), mais les oiseaux les ont picorées. Les quelques herbes aromatiques et autres légumes, les animaux (renards, chats) les ont saccagés. Pendant près de dix ans, elle possédait une maison « écologique » en Normandie, vendue il y a un peu plus de quatre ans pour acheter cette demeure de l’autre côté de la Manche dont elle apprécie les arbres « énormes » et l’absence de vis-à-vis. « J’avais envie de respirer loin de la ville. Paris peut être bruyant et stressant. »

Surtout, elle a eu envie de se rapprocher de ses petits-enfants, qui vivent tout près. Elle met d’ailleurs la dernière main à un livre de recettes sucrées et salées pour enfants, à paraître l’an prochain chez Phaidon. Ce sera son troisième ouvrage. Pendant le confinement, elle a donné des leçons de cuisine vidéo par Zoom à Elijah, son petit-fils de 13 ans.

« J’avais envie de respirer loin de la ville. Paris peut être bruyant et stressant »

Rose Carrarini
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Sur sa table, asperges de saison et fleurs du jardin

Le déclic, au Japon

Rose est une autodidacte. Même si sa mère cuisinait très bien, rien ne la prédisposait, elle qui a fait les Beaux-Arts à Londres, à devenir chef. Le déclic a eu lieu lors d’un séjour au Japon. Elle raconte : « Mon frère [Adrian Joffe, patron des concept stores Dover Street Market, très connus des amateurs de mode, ndlr] et son épouse [la célèbre créatrice japonaise Rei Kawakubo de Comme des Garçons, ndlr] nous ont amenés dans un petit resto de six tables, pas plus. Il y avait une femme, et c’était une brigade de filles uniquement. Ce n’était que des petits plats, et ça m’a impressionnée. C’était extrêmement simple. »

« On voyageait beaucoup pour le travail dans la mode, mais ce qui nous intéressait, c’était d’aller sur les marchés, dans les magasins qui proposaient de bons produits, au Japon, en Italie… » Lorsque les enfants sont arrivés, il a fallu trouver une source moins aléatoire que les revenus des collections maille sur lesquelles elle travaillait. « On s’est dit : “On va ouvrir un petit truc à Londres.” » Ainsi est né, en 1988, Villandry (en référence au célèbre potager ornemental, dans le Val de Loire), l’ancêtre de Rose Bakery, dans le quartier de Marylebone.

« On avait le fromage du maître affineur Philippe Olivier [mort il y a peu, ndlr] de Boulogne-sur-Mer [dans le Pas-de-Calais, ndlr], un coin sandwichs, du super-miel de Provence, du chocolat. Tous les produits de France que j’aime. » Par la suite, une pièce s’étant libérée, les clients ont pu s’asseoir et « manger des choses simples, de la soupe. »

« Quand nous avons commencé, il n’existait rien d’autre comme nous »

Rose Carrarini

Jean-Charles, son mari, a joué un rôle essentiel à ses côtés. Leur petit empire, ils l’ont fait croître ensemble, jusqu’à compter aujourd’hui sur une équipe d’une soixantaine de personnes. Les chiffres, Rose, ce n’est pas son truc. « Je ne sais pas, il faut demander à Jean-Charles » est une phrase qui revient souvent dans la conversation. Le partage de tâches est clair dans leur attelage professionnel. « Moi, je m’occupe de la cuisine, des recettes, et lui, du reste ». Il est à Paris où ils se sont installés quand les enfants sont devenus grands. Elle se souvient de la rencontre chez Liberty avec ce Français « différent », avec « ses cheveux longs en désordre ».

Dans un milieu où tout se démode si vite, le plus difficile est de se maintenir, savoir se renouveler sans trahir la qualité. « Quand nous avons commencé, il n’existait rien d’autre comme nous. » Elle a suivi son instinct, ses envies. Rien n’était planifié. Depuis, on a vu fleurir un peu partout les comptoirs de cantines healthy à consonance anglo-saxonne. Un vrai mouvement. Son idée première, c’était d’apporter la France aux Londoniens. Elle a fini par apporter un peu de l’Angleterre aux Parisiens, et bien au-delà.

Site web : rosebakery.fr

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