que le cachemire… Une start-up japonaise a créé une matière biotechnologique qui pourrait révolutionner le textile.
il suffit parfois de suivre le cours d’un professeur habité pour déterminer le tournant d’une vie. Le professeur Masaru Tomita est de cette trempe. « Il nous a appris que le futur, c’est la biologie, car elle est à l’origine de tout. Alors cela fait sens d’essayer de changer les pratiques et de se reposer sur ce que la vie sur Terre a à offrir, plutôt que de puiser dans la pétrochimie », argumente Kenji Higashi, directeur du développement durable chez Spiber. Cette start-up de biotechnologie fondée en 2007 par deux anciens élèves à l’université de Keio à Tokyo est en passe de révolutionner la fibre textile. Son nom explique comment. Contraction des mots « spider » (araignée) et « fiber » (fibre), cette société ambitionne de recréer la soie d’araignée, « considérée comme l’un des matériaux les plus résistants du monde, assure Kenji Higashi.
Bien plus solide que ceux que l’homme a pu concevoir. » Les ingénieurs auraient bien aimé la reproduire en éprouvette et à partir de matériaux naturels. Ils n’y sont pas parvenus. Mais leur fibre obtenue grâce à un principe de fermentation présente d’autres qualités : elle est robuste au toucher, sa douceur est proche de celle du cachemire, et ses propriétés thermiques, comparables à celles de la laine. Le tout garanti sans pétrochimie ni origine animale. Pour y parvenir, les scientifiques ont eu recours à des bactéries soigneusement sélectionnées et à du sucre de canne. De quoi séduire l’industrie du textile et de l’habillement.
« Cela fait sens d’essayer de changer les pratiques et de se reposer sur ce que la vie sur terre a à offrir, plutôt que de puiser dans la pétrochimie »
En 2019, Spiber collabore avec North Face pour sortir la Moon Parka. Une veste incroyablement légère et chaude, mais en édition très limitée. Coût de production du fil oblige ! Depuis, Pangaia a proposé un sweat-shirt composé d’un mélange de fibre Spiber et de coton organique, et l’hiver dernier, Goldwin a commercialisé neuf pièces réalisées avec cette technologie : un manteau, une veste de pluie, un pantalon et une veste en denim. Innovant mais haut de gamme, et pas encore à la portée de toutes les bourses. Comptez 1 500 € pour un manteau ou 800 € pour une veste en denim Goldwin. Pour l’instant, car « dans dix ans, nous espérons pouvoir proposer des produits au même prix que la laine », annonce Kenji Higashi. Pour y parvenir, les scientifiques sont prêts à partager leurs données en open source et à permettre à d’autres de chercher en parallèle.
Leur rêve : réussir à transformer en fibre des déchets agricoles et des rebuts textiles en fin de vie. Les pistes de recherche se bousculent. En tant que scientifiques, Spiber se penchent sur la question au niveau moléculaire. En industriels engagés, les marques de slow fashion américaine Eileen Fischer, celle de cachemire écossais Johnstons of Elgin ou encore le Material Innovation Lab du groupe Kering y croient et lui confient leurs chutes en guise de matière première. Aujourd’hui, Spiber compte environ 300 salariés et une usine en Thaïlande. Et le professeur Masaru Tomita, son père philosophique, a rejoint son board.
Site web : spiber.inc
Instagram : @spiber_inc