Prendre la vague

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Dans le surf, l’eau percute les corps et permet de vivre le moment présent. A Saint-Malo, en Bretagne, Hélène Rouault a fondé Hina Surf, une école qui utilise la glisse comme thérapie. Pour aider à reprendre pied en lâchant prise, oublier ses peurs et ses douleurs, renouer avec la confiance et l’estime de soi. Parce que tout est une question d’équilibre.

Il faut d’abord se déshabiller, puis enfiler une combinaison. Descendre les escaliers qui mènent à la plage, porter les planches, marcher sur le sable, mettre les pieds dans l’eau. Simple en apparence, mais délicat pour qui n’est pas à l’aise avec son corps. La surf thérapie débute bien avant de prendre la vague. Pour Hélène Rouault, quadra surfeuse autodidacte et à la tête d’Hina Surf, l’école qu’elle a fondée en 2017, c’est le moment privilégié pour capter l’état d’esprit des participants.

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A gauche, deux élèves s’entraident jusqu’à la plage – A droite, le surf demande à un moment donné un lacher prise

Cette étape préparatoire constitue un volet important de l’outil thérapeutique. En un regard, elle comprend. « Lorsqu’ils arrivent, je vois tout de suite ce qui ne va pas. Le temps d’habillage est très important. Il me permet de savoir comment je vais aborder la séance. Mon métier d’éducatrice m’a appris à être à l’écoute et dans l’anticipation pour ne jamais mettre quelqu’un en difficulté et éviter toute situation critique », dit-elle. Convaincue qu’il est essentiel d’aider les autres, Hélène Rouault a mis sa passion du surf au service de ceux qui en ont besoin. « Le sport a toujours été pour moi un moyen de transmettre des valeurs telles que la coopération, la tolérance, la combativité, le respect de soi et de son corps », résume cette sportive née. Joueuse de volley de haut niveau, puis coach, elle commence sa vie professionnelle par l’enseignement du sport et se sent rapidement à l’étroit. En 2007, elle obtient le diplôme de monitrice-éducatrice, qui ajoute une dimension sociale qui lui manquait. A Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), elle travaille auprès de mineurs en foyer d’accueil. Son emploi du temps devenu incompatible avec la pratique d’un sport collectif, elle se tourne vers le surf qu’elle apprend en autodidacte. Et obtient un double titre de championne de Bretagne en 2011. En parallèle, elle expérimente cette discipline auprès de ceux qu’elle accompagne à la façon d’un outil thérapeutique capable de canaliser ces enfants peu épargnés par la vie. Pour elle, « le sport est un réel moyen d’aider quelqu’un, quelle que soit sa difficulté, et de le tirer vers le haut. C’est un vecteur social, éducatif et d’insertion. »

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A droite, Hélène Rouault – A gauche, et soudain se jette à l’eau

Un outil thérapeutique

Elle se confronte néanmoins aux limites du système social, éprouve une forme de frustration. Elle professionnalise alors sa pratique du surf et passe son diplôme de monitrice. « Je voulais agir différemment à travers le surf. Je n’avais pas la prétention de révolutionner le monde, mais j’avais envie d’aller plus loin. » Elle crée l’école Hina Surf en 2017 sur la plage du Sillon, à Saint-Malo, pour y transmettre sa passion mais aussi pour développer la surf thérapie. Convaincue que prendre une vague va bien au-delà du plaisir immédiat. Car le surf convoque la proprioception, la capacité que l’on a de sentir son propre corps. Les participants doivent apprivoiser un univers qu’ils ne connaissent pas, appréhender la mer qui ne leur est pas toujours familière. Le bouche-à-oreille ne se fait pas attendre. Les institutions s’intéressent à cet outil thérapeutique qu’Hélène Rouault est la première à développer en France.

« Je prends chaque personne dans sa globalité, peu importent ses troubles ou ses déficiences »

Hélène Rouault, fondatrice d’Hina Surf

L’école est ouverte à tous, quels que soient l’âge, le niveau, les difficultés, les fragilités, voire le handicap de chacun. Car elle accueille aussi des enfants atteints de troubles du comportement suivis dans un service de pédopsychiatrie de l’hôpital de jour Donald-Winnicott à Saint-Malo, des personnes âgées venues d’une maison de retraite, la Résidence de l’abbaye à Dol-de-Bretagne, des adultes avec une déficience intellectuelle logés en foyer d’hébergement, ou d’autres, soignés dans le service addictologie de l’hôpital Guillaume-Régnier, à Rennes. Tous présentent des difficultés, mais Hélène « refuse de mettre les gens dans des cases. Je prends chaque personne dans sa globalité, peu importent ses troubles ou ses déficiences. » Et puis, les accompagnants sont là. Pas question de les tenir à distance.

L’estime de soi

A Hina Surf, tout le monde est élève, porte la même combinaison et se jette à l’eau. En cheffe d’orchestre éclairée, Hélène Rouault fait tomber la hiérarchie le temps d’une séance. « Ces séances offrent aussi une parenthèse aux professionnels, dit-elle. Leurs métiers sont impactés par ce qu’ils vivent sur le plan humain. Certes, ils sont présents ici dans le cadre de leur travail, mais c’est l’occasion pour eux de sortir de leur rôle, d’expérimenter autre chose avec la personne qu’ils accompagnent. »

Dans la maison de retraite où vivent ceux qui se sont laissés tenter par la glisse, des photos de surf avec Hélène ornent les murs. Les enfants reviennent toujours la voir, et, lorsque l’estime de soi renaît, les participants lui manifestent leur reconnaissance. Ces retours d’expérience nourrissent sa détermination : « Ce qui m’importe, c’est de créer du lien. Que cette école devienne un ancrage public pour les élèves qui y sont passés et qui seront toujours les bienvenus. Cette dimension sociale et d’insertion est très importante à mes yeux. » Hina Surf, une safe place pour les mis à l’écart.

Site web : ecoledesurfstmalo-hinasurf.com

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