Après les égéries décalées et le contre-courant des saisons,
elle a fermé boutique pour trouver son rythme à la campagne.
Et fournir un service sur mesure à ses clientes.
Depuis douze ans qu’elle a fondé sa marque, la créatrice d’accessoires est connue pour son franc-parler. « Je n’ai pas fait un enfant à 40 ans pour ne pas en profiter », lance Amélie Pichard, installée sur la terrasse de sa maison perdue dans la forêt perchoise. Celle qui s’est toujours amusée avec les codes du mauvais goût, qui a développé une ligne végane avant tout le monde, qui a osé les égéries les plus inattendues, comme Pamela Anderson et Nabilla, les collaborations les plus cool (La Redoute, Veja, Baserange), repoussé ses limites créatives en sortant un sac réalisé dans une feuille tropicale ou récemment en silicone, a toujours questionné son rapport au monde des affaires.
En 2017, elle cesse le renouvellement saisonnier de ses collections. Et met en place un système de précommande. L’an dernier, en même temps qu’elle accouche de son premier enfant, elle ferme sa boutique de la rue de Lappe, dans le 11e arrondissement de Paris. Avec le sentiment que ce lieu n’a plus de logique dans sa nouvelle façon de gérer son entreprise. Autre changement radical, celui de quitter la ville pour un ancien pavillon de chasse à une heure et demie de Paris, avec mari, documentariste, et enfant. De la route en contrebas, on le devine à peine. Il a fallu demander les coordonnées GPS pour que le taxi local le trouve.
« Je n’ai plus de boutique en propre, peu de revendeurs, je vends uniquement en ligne »
C’est ici qu’elle nous reçoit et commence à parler havre de paix et travaux, ce qui laisse présager une transformation profonde, sorte d’allégorie d’une vie en chantier. « J’ai levé le pied, mais je travaille dès que j’ai le temps. Hier, par exemple, j’ai bossé de 19 heures à 1 heure du matin. Il n’y a pas de règles, et ça me convient. » En plus d’avoir revu sa manière de produire, Amélie Pichard a aussi revu la structure de son entreprise. « Je n’ai plus de boutique en propre, peu de revendeurs, je vends uniquement en ligne, et j’ai embauché deux filles qui travaillent trois jours par semaine en télétravail. » Terminé la dizaine d’employés à gérer seule en plus de la création et des voyages d’affaires pour visiter ses usines (au Portugal). « C’était trop pour moi, et j’avais du mal avec l’idée de voyager tandis que mes salariées restaient à Paris. Je voulais qu’elles aient le même confort de vie. » Et pour être sûr que ces dernières partagent la même philosophie, elle recrute deux Parisiennes installées en province. « Résultat, quand on se voit une fois par mois, on parle de tout sauf de travail. » Et ça marche ! Elle qui soutenait, il y a encore peu, qu’une entreprise ne pouvait se développer « qu’au péril de l’humain, de l’écologie ou d’autre chose, maintenant que mon organisation est alignée sur mes valeurs, je suis enfin prête à croître ». Reste encore à savoir comment. « Il faut que je redéveloppe le réseau de distribution. Je vais avoir besoin d’acheteurs pour que la cliente puisse voir le produit en vrai, mais je demande que des achats fermes, sans solde, avec une marge définie à l’avance. Quant à la communication, faire poser Nabilla, la star de la téléréalité suivie par 9 millions de personnes sur Instagram et installée à Dubaï qui dit “allô”, avec une chaussure à l’oreille, ne me rapporte aucun nouvel abonné », lâche-t-elle. « Alors que Jeanne Damas qui porte mes mules, ça cartonne. » Elle en tire la leçon. Il n’y a pas de recette toute faite. Il faut continuer de tester des choses et se montrer malin. Seule certitude. « Je ne veux plus m’endetter. Après ma première levée de fonds, l’argent partait et ne rentrait pas assez vite, je me suis retrouvée sans trésorerie. J’ai failli me retrouver au tribunal pour liquidation et perdre mon nom. »
Aujourd’hui, la créatrice imagine d’autres possibles et expérimente sans limite. Ici, un « Mud Bag », un sac ovni en silicone, aussi repoussant que fascinant, développé à partir d’un de ses best-sellers et réalisé par l’artiste Trolli Couture. Là, la possibilité de commander le sac de ses rêves à partir des modèles iconiques et des matières ou coloris disponibles en quatre semaines. Elle veut inspirer, encourager. Ses clientes et au-delà. « Ceux qui se mettent des barrières et se disent que s’offrir une nouvelle forme de vie n’est pas possible. » Son prochain projet ? Le lifestyle. « J’ai envie d’exprimer mes valeurs à travers des hôtels. » Il suffit de respirer l’atmosphère de son lieu de vie, un esprit californien à la sauce perchoise, avec ce pas de côté, ce décalage humoristique, pour imaginer que ce projet a toutes les chances de plaire.
Site web : ameliepichard.com
Instagram : @ameliepichard